Le groupe de travail de l’ORIE (Observatoire Régional de l'Immobilier d’Entreprise) s’est intéressé à l’impact de la data dans l’immobilier d’entreprise, mais surtout aux gains que les acteurs immobiliers pourraient tirer de son utilisation. En effet, la Data représente un enjeu primordial pour les prochaines années dans l’industrie immobilière en raison de différents facteurs : convergence entre industrie immobilière traditionnelle et services immobiliers, augmentation de la connectivité qui crée des masses de données importantes ainsi que des infrastructures numériques qui amènent à intégrer des données en provenance de contributeurs extérieurs. La pandémie du Covid a également montré l’importance de la digitalisation dans les usages immobiliers.
Au vu de ces bouleversements technologiques et sociétaux, la data permet de mettre en avant de nouvelles fonctionnalités pour répondre à des nouveaux besoins. Le groupe de travail de l’ORIE a identifié quatre grands axes lors de cette étude
Le marketing digital et les stratégies commerciales
Dans ce domaine, le secteur de l’immobilier a évolué très rapidement grâce au Big Data. La possibilité de mieux tracer les parcours clients, de profiler les prospects et les vendeurs potentiels, constitue un moyen d’améliorer profondément les performances d’une entreprise.
-> L’axe d’amélioration du marketing digital repose sur le manque de standardisation et de mise en commun des bases clientes au sein d’une même société et de ses filiales.
Les données géographiques/territoriales
Les données relatives aux territoires se caractérisent par une très grande hétérogénéité et de gros volumes. Elles concernent la population, l’urbanisme, l’environnement, les transports, la fiscalité… Ces dernières années, en réponse aux besoins grandissants de connaissance et d’expertise sur les territoires et leurs dynamiques, ainsi que pour éclairer les prises de décision, la data territoriale s’est développée. Elle a été appuyée par la loi pour une République numérique de 2016 qui a pour but d’amorcer la transition numérique.
-> De nouveaux acteurs, autres que les pouvoirs publics, collectent de la donnée territoriale. Les réseaux sociaux, les plateformes numériques de services, de mobilité ou d’hébergement disposent de données géographiques qu’ils collectent en continu et stockent, et qui pourraient être pertinents dans la compréhension des territoires.
Les indicateurs de marché
Les données de marché sont à la convergence entre les données publiques et données privées. Du côté du résidentiel, on constate un nombre important de startups et entreprises spécialisées dans ce secteur. En immobilier d’entreprise, il existe moins d’initiatives en ce sens, en raison de la granularité du marché (peu de transactions avec des montants très élevés), l’asymétrie d’information sur ce marché (liée à une culture du partage de la data assez faible dans ce secteur alors que l’échange de données est profitable à chaque partie) ou encore la difficulté de standardiser certaines données dans le tertiaire considérées comme trop complexes à formuler sur une case Excel (normes, techniques…). De plus, chaque organisme dispose d’un référentiel qui lui est propre, ce qui limite le partage des données.
Le smart building
Le smart building est un concentré de technologies permettant l’interconnexion d’outils et de services numériques permettant d’améliorer la vie de ses utilisateurs, de réduire les consommations inutiles et diminuer les coûts opérationnelles pour les entreprises. Elle répond aux objectifs suivants : optimisation des ressources énergétiques, vision fine de l’utilisation réelle du bâtiment, apport de services supplémentaires aux usagers pour simplifier ou améliorer leur quotidien, respect des engagements du décret tertiaire…
Cependant, cela implique d’intégrer la question du traitement des données dès la conception du bâtiment et des objets connectés. Or, le bâtiment intelligent fait face à de nombreuses problématiques : absence d’un référentiel commun, réticence au partage de données, risque de conflits entre la collecte et la confidentialité des données, prouver sa pertinence et sa fiabilité...
Les 8 préconisations de l’ORIE :
Enjeu n°1 : Gagner en interopérabilité entre les acteurs du secteur de l’immobilier
Recommandation 1 :
- Inciter les acteurs à utiliser un référentiel commun sur quelques définitions de base qui pourrait être détenu par une entité publique ou reconnu par les pouvoirs publics.
Recommandation 2 :
- Créer un identifiant national pour chaque immeuble.
Recommandation 3 :
- Rendre accessible certains jeux de données tels que les permis de construire ou de démolition par un décret d’application.
Enjeu n°2 : Fiabiliser la donnée
Recommandation 4 :
- Rendre l’intégration de capteurs fixes mesurant les performances énergétiques, la consommation (d’eau, de la qualité de l’air) et des usages (nombre de personnes dans les locaux…) d’un bâtiment et des équipements associés obligatoire lors de la conception de l’immeuble.
Recommandation 5 :
- Encourager l’Etat à renforcer ses propres systèmes de données.
Enjeu n°3 : Faire monter en compétence la filière immobilière sur le domaine de la data afin d'être plus compétitive.
Recommandation 6 :
- Inciter les entités de la filière immobilière à intégrer systématiquement des formations à l’utilisation de la data spécialisée en immobilier afin de mieux comprendre les enjeux et le potentiel de la digitalisation.
Recommandation 7 :
- Créer une filière de formation de data scientists spécialisés en immobilier, afin de permettre à l’industrie immobilière de disposer de spécialistes reconnus et adaptés aux besoins.
Enjeu n°4 : Encourager la création de PropTech
Recommandation 8 :
- Mettre à disposition des PropTech des lieux qui permettent de les accueillir et de collaborer plus efficacement entre elles et avec les sociétés de l’écosystème immobilier. Cette initiative pourrait venir compléter la filière « immobilier » de Finance Innovation dans le but d’accélérer son développement.
“La donnée est du sable et non du pétrole contrairement aux dires populaires. La donnée n’a de valeur qu’en fonction de son exploitation et peut très bien finir dans un désert comme devenir du silicium”
L’impact sur les métiers
Selon le dernier baromètre de Real Estech, la majorité des startups se concentrent sur le marché de la construction et seulement 29 % des startups de la « PropTech » s’adressent aux problématiques des acteurs de l’immobilier tertiaire (bureaux, commerces, entrepôts, hôtels).
De plus, la majorité des innovations en immobilier d’entreprise se concentrent sur la phase de construction de l’immeuble. En effet, l’accumulation de données permettra dans les métiers de la construction une meilleure communication et organisation grâce à la création de plateformes globales. L’automatisation permettra d’alléger la pression sur la main d’œuvre et d’introduire de la prédictibilité tout au long du chantier grâce à de nouvelles technologies utilisant la data : maquette BIM, logiciels de suivi de chantier, objets connectés… On peut également penser que la data va faire évoluer l’industrialisation de la construction avec des avancées dans la modulation. De manière plus large, l’impact sur les autres métiers de l’immobilier seront les suivants : Dans la promotion (promoteurs, architectes…), la data développera surtout la recherche foncière (avec la multiplication des bases en Open Data), l’amélioration du processus de vente (avec visualisation/visite virtuelle) et un pricing beaucoup plus juste et adapté.
Concernant l’exploitation, la data permettra d’améliorer la relation avec les occupants avec pour objectif de ne plus traiter uniquement avec le représentant du preneur, mais de traiter de manière directe avec celui-ci. La maintenance prédictive révolutionnera également l’immobilier car les interventions sur l’équipement ne seront plus programmées mais seront réalisées seulement en fonction des besoins ponctuels, c’est-à-dire, en suivant des indicateurs de dysfonctionnement, et en anticipation de l’usure réelle.
La commercialisation et les transactions vont également se transformer de manière positive avec la data. L’usage des données de qualité va en effet permettre une meilleure prévision du marché et une meilleure captation du client. En ce qui concerne la gestion d’actif, les métiers seront surtout impactés par la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et l’ISR (Investissement Socialement Responsable) dont les mesures pourront être améliorées dans le domaine de la construction et du respect d’indicateurs de performances partagés. Les métiers de l’investissement se transformeront, grâce à une meilleure prévision de marché, de meilleures stratégies d’investissement et de pilotage de portefeuilles. Ces innovations ne seront possibles sans quelques facteurs accélérateurs tels que l’augmentation des fichiers en Open Data, le développement des PropTechs et de la technologie, une meilleure collaboration des acteurs passant par des réglementations et une standardisation structurant la donnée de façon obligatoire.